Son nom est méconnu. Elle est souvent absente des manuels d’anatomie et des cours d’éducation sexuelle, pourtant, la vulve n’a rien d’un trou et le pénis est un orifice comme les autres[1].
Dans un contexte phallocrate, représenter une vulve est, au moins, une démarche dissidente, au pire, une transgression des normes du genre. Par le dessin, j’ai voulu sortir le sexe féminin de l’invisibilisation. Dans l’éducation des filles, leur sexe reste un tabou, personne ne leur apprend à reconnaître leur anatomie[2]. Les femmes sont par ce processus, et par d’autres, dépossédées de leur corps et aliénées dans leur chair. Aujourd’hui, j’ai eu envie de peindre une vulve et de dire : femmes, sœurs, sorcières, apprenons à nous regarder, à nous connaître et à nous nommer.
J’ai souhaité représenter la vulve par des couleurs pleines et fortes comme le mauve, le turquoise, l’orange et le fuchsia. Le vagin est fréquemment défini par la négative, en référence à un soi-disant manque ou à une prétendue absence. J’ai, à l’inverse, cherché à en montrer la plénitude. Le sexe féminin est vivant, fort, complet et autonome. Ainsi, je veux poser la question de savoir quel changement de paradigme pourrait advenir dans le monde si on nous apprenait à penser le sexe des femmes comme un organe tonique et puissant, révélant à quel point les femmes sont-elles mêmes fortes et entières. La multitude de couleurs et le flou de la peinture rappellent la variété des corporalités dans une pluralité riche de corps et d’histoires[3].
J’ai employé un support rond, car celui-ci permet de sortir de l’architecture d’un châssis composé d’angles droits, souvent associés au patriarcat et à la domination masculine. En changeant le véhicule de l’information, la rondeur amène un regard nouveau sur les formes, les ombres, les pleins et les vides. Là où le cadre, la justesse et la neutralité des angles rappellent des valeurs classiquement associées à la masculinité, le rond est pour sa part lu comme féminin, mou et doux, échappant à la rigidité et aux structures. J’ai donc cherché à exploiter la rondeur et à l’exacerber dans un trait souple sortant des lignes droites et des géométries patriarcales, tout en exprimant la puissance et la plénitude de la vulve par des couleurs franches.
Les violences sexuelles faites aux femmes perdurent dans un monde étroitement dualiste et binaire où le féminin est constamment dévalorisé. Les femmes sont contraintes de porter la honte de leur sexe, et la honte de la violence subie. Cette grammaire doit changer. Rentrons dans nos corps, ressentons-en la puissance, soyons unies et fières.
[1] Maïa Mazaurette, Le sexe selon Maïa, 2020, La Martinière. [2] Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe II, 1986, Gallimard (2019). [3] bell hooks, Ne suis-je pas une femme ?, 2015, Cambourakis.
Oeuvre exposée par le centre Placet de Louvain-la-Neuve lors de l'exposition sur le genre.
Exposée egalement à l'exposition «EN MODE ALERTE !» CEC Regards Pluri’elles organisée par le Collectif des Femmes
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